17/07/2025

Taiwan Today

Taiwan aujourd'hui

A Kinmen, on transforme les obus en couteaux

01/04/2004

Près d'un million d'obus ont été tirés de 1958 à 1978 sur la petite île de Kinmen sous juridiction taiwanaise, lorsqu'elle a été le théâtre d'affrontements avec la Chine. Mais aujourd'hui toute cette ferraille, fondue pour fabriquer des couteaux de cuisine, fait la fortune d'un forgeron du nom de Wu Tseng-dong [吳增棟].

Le 23 août 1958, la Chine lançait une opération, qui aurait dû être celle de la victoire finale contre les nationalistes, retirés depuis 1949 sur l'île de Formose, devenue Taiwan.

Située à moins de deux kilomètres de la côte chinoise, l'île de Kinmen, aux avant-postes du conflit, va subir un tir de barrage : en 44 jours, elle recevra jusqu'à 480 000 obus.

Kinmen ne fut jamais conquise, mais, au cours des vingt années qui suivirent, elle continua d'être bombardée, de 19h à minuit un soir sur deux, par des obus contenant surtout des textes de propagande.

Au total, près d'un million d'obus, explosifs ou non, ont atterri à Kinmen. La maison familiale de Wu Tseng-dong a été atteinte. Et si personne n'a été blessé, l'incident a alors inspiré au père de notre artisan l'idée astucieuse de récupérer dans la forge familiale le métal russe de bonne qualité qui entrait dans la fabrication des projectiles.

Chaque obus recyclé permet de fabriquer une soixantaine de couteaux dont la renommée a vite gagné l'ensemble de Taiwan. Parmi les acheteurs, on trouve même des touristes venus de la Chine voisine.

A 47 ans, Wu Tseng-dong, qui pérennise l'entreprise paternelle, peut fabriquer un couteau en un quart d'heure. « Si tout le monde utilisait des obus pour faire des couteaux de cuisine, il n'y aurait plus de guerre dans le monde » , commente philosophiquement le forgeron, tout en alimentant son feu.

« Les obus sont un produit de la guerre, et je veux les utiliser pour la paix, ajoute-t-il en se préparant à faire fondre un morceau de métal. J'espère qu'une telle guerre n'arrivera plus. »

Des tas d'obus sont empilés dans la forge familiale. En 1995, après avoir épuisé ses réserves de projectiles ayant servi à transporter la propagande communiste, le coutelier est passé aux modèles explosifs. Il en a accumulé suffisamment pour dix ans de production.

Wu Tseng-dong paie 500 dollars taiwanais pour chaque obus. « Il y avait presque un obus au centimètre carré de terrain », dit-il, estimant que lui et son père, décédé il y a cinq ans, en ont recyclé une centaine de milliers.

La récente détérioration des relations avec la Chine, dans la perspective de l'élection présidentielle à Taiwan, fait frissonner de peur le coutelier qui plaisante en admettant qu'il y aurait peut-être là pour lui une opportunité de reconstituer ses réserves de métal. « Peut-être un missile tombera-t-il sur la plage, note la femme du forgeron, Hung Hsiu-nuan [洪秀暖]. Ou alors, nous devrons aller en Irak... »

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